Natures mortes & grandes floraisons

Natures mortes & grandes floraisons

Mathilde Delattre, encouragée par son succès à l’UFPS, poursuit la série de ses « grandes floraisons », très grands tableaux aux motifs floraux complexes. On est encore, avec ces grandes aquarelles décoratives, dans un style qui est « demandé » aux femmes, qui s’y remarque et qui y est acheté par la ville de Paris ou par l’état pour décorer les bureaux et administrations. Mathilde Delattre, poétesse des fleurs, se pliera bien volontiers à cette demande. « Chez la fleuriste« , aquarelle de 124 cm x 184 cm, ornera le palais de l’Elysée plusieurs années, on est bien dans les « canons » de l’époque. Pour ces grandes aquarelles, l’artiste joue dans le registre des pastels et s’attache à donner des « circonstances » aux fleurs, contrairement à certaines de ses collègues qui s’adonnent à une précision photographique et à une très forte intensité des coloris, telle la grande artiste Blanche Odin qu’elle côtoie dans de très nombreuses expositions (la critique – après avoir d’abord encensé Eugénie Faux-Froidure – s’attachant à remarquer l’une ou l’autre des deux plus jeunes artistes). Ou encore, on soulignera l’interprétation chez Melle Mathilde Delattre, et la virtuosité chez Mme Faux-Froidure:

Dans « Veille de fête au cloître« , très grande huile exposée au SAF en 1911 et à l’UFPS en 1912 (et remarquée par un certain… Guillaume Apollinaire, alors critique d’art à L’Intransigeant), « sur une terrasse où passent de blancs fantômes de religieuses sont réunies en bottes les fleurs qui demain pareront l’autel; et le soleil se joue sur l’éclatant amoncellement de leurs pétales… » La « grande toile », qui ornera le logement de l’artiste jusqu’à ce qu’elle soit contrainte de la vendre avant la seconde guerre mondiale, s’inscrit dans une série de plusieurs oeuvres sur le même thème (comme « Pour la procession » en 1902, mention honorable au SAF, ou cette « vision » de vierge plantée en haut d’un impressionnant escalier). Mathilde, qui faisait partie d’une société « spiritualiste » et ne dédaignait pas l’occultisme – comme beaucoup à cette période – semblait également avoir une certaine fascination pour cette figure des religieuses.

A gauche, photographie de Veille de fête au Cloître (huile), 1911 (éditions Selecta); à droite, peut-être À l’automne, dernière cueillette, aquarelle exposée au Salon des artistes français de 1904 (photographie F. Vizzavona – RMN)

Dans ses bouquets de fleurs très sophistiqués et ses natures mortes aux « vieux livres fleuris » de la même période (avant la guerre de 1914), l’inspiration serait celle de la peinture de nature morte flamande du XVIIè siècle. On peut aussi assimiler certaines natures mortes florales à des « vanités », certaines fleurs déjà y fanant et tombant, tandis que d’autres resplendissent. L’artiste navigue aussi des très grands aux très petits formats, avec des panneaux composés de natures mortes miniatures de 8 cm sur 8 cm !

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