Mathilde Delattre, un style qui évolue, ou l’émotion d’une époque ? Des élèves & des jardins.








Oeuvres de Mathilde Delattre et de ses élèves
Il n’est pas de nostalgie possible chez Mathilde Delattre, qui ignore son pays natal. Et une grande confiance, malgré les épreuves, dans la force du caractère, du travail et de l’esprit. Un vague à l’âme fréquent, plutôt, mais qu’elle sait nécessaire à son énergie créatrice. Et un sourire constant – qui l’étonne -et une grande attention à ses chères élèves, qui n’oublieront pas les thèmes du professeur, même si elles les feront évoluer, elles, aux goûts de l’époque nouvelle.
En haut à gauche, Le café, huile sur toile offerte à ses neveux, probablement en cadeau de mariage, peu après 1914 (en dessous, photo de la salle à manger roubaisienne, où la table se fait miroir). C’est pendant le 1er conflit mondial que Mathilde ressent, « exilée » en Bretagne – chez ses autres cousins – le besoin de s’éloigner de ses « grandes floraisons » académiques et des natures mortes florales d’intérieur pour évoluer vers son style de « plein air » où dominera le jardin, ses ambiances poétiques, ses tables déjà quittées par les convives mais en même temps invitant à leur présence, et à l’exploration un peu énigmatique par le chemin, très souvent présent, et qui invite déjà à dépasser cette table. La table richement garnie est initialement celle de la maison « Ma surprise » de Perros-Guirec, elle sera le thème de très nombreuses variations; les « coins de jardin » (cf. la table au pichet) seront ensuite saisis dans son refuge du Grand Andely.
Les élèves aussi y sont conviées et s’en emparent: en haut au centre, La table au jardin, huile de Louise Alix au Salon de 1928, on passe des cristaux aux « mugs » sur la table, mais les convives ici aussi absentés ont pris le même chemin à l’arrière-plan; en haut à droite, Yvonne Blanchon, autre élève de Mathilde – et amie de Louise -, revient certes dans un semi-intérieur mais à la porte ouverte (dans un geste à la Bonnard ?) et fait évoluer sa nature morte vers un style art-déco qu’ Ysabel Minoggio-Roussel (oeuvre au centre) accentue habilement. Mais Mathilde nous rappelle à l’aquarelle avec ce Coin de jardin (au milieu, à droite) et nous dit au-revoir avec son Fin de jour de 1930 (en bas, à gauche): où les fleurs ne seraient plus que prétexte ? Seul le surprenant chat qui surgit du fond évanescent de Déjeuner du matin (1925) sait.