Dans un coin du parc

Dans un coin du parc, Salon des artistes français et Salon de l’UFPS, 1903 (1er prix de l’Union), aquarelle, 140 cm x 190 cm, achat par l’état. Anciennement FNAC 1271, dépôt au Musée de la ville d’Aurillac depuis 1906 ©Musées d’Aurillac

L’œuvre a subi au cours de ce dépôt une importante perforation et nécessite une restauration… appel aux mécènes !

Un amas de fleurs est déposé au pied d’un buste sculpté, à demi envahi par la végétation, qui évoque un esprit de la nature ou un faune, figure fréquente dans la peinture symboliste. Il s’agit probablement d’un des « faunes » du Jardin des Présentateurs dans le parc de Bagatelle à Paris, qui fut le thème de plusieurs de ses oeuvres, et où l’artiste devait aimer venir respirer les roses. L’œuvre pourrait s’inscrire dans la transition entre le symbolisme fin-de-siècle et l’esthétique impressionniste tardive, dans le goût raffiné de la Belle Époque, où les artistes recherchent une harmonie poétique entre l’art et la nature; une œuvre de méditation, de médiation, la fluidité de l’aquarelle traduisant la fragilité du souvenir. Elle a subi un affadissement au cours du temps, mais déploie encore une grande gamme de couleurs. Le vieillissement de l’œuvre a sans doute atténué les contrastes, accentuant sa douceur brumeuse. La lumière, filtrée et douce, confère à ce « coin du parc » un caractère presque musical, suspendu entre réalité et rêve.

Certaines critiques d’époque se concentrent sur l’aspect floral: « nous y relevons une brillante dispersion de la lumière sur des roses, fraîchement épanouies, avec mille variétés de tons, enchevêtrées délicieusement par le pinceau de l’artiste: cet assemblage de nuances roses, jaunes, rouge est du plus pittoresque effet » (E. Hoffmann, Livre d’or des peintres exposants, supplément 1905). Le buste n’apparaît en effet au regard que secondairement, une fois épuisée la vision de couleurs, dans ce qui apparaît alors comme une offrande quelque peu mystérieuse faite dans un coin du parc:

« Dans un coin de parc, sur un sol inégal et montant, au pied de quelques arbres vénérables dont on n’aperçoit que les futs verdâtres, c’est au milieu de claire verdure le plus délicieux amoncellement de roses, comme une moisson blanche qui couvre le sol et qui semble comme jetée là… Pourquoi ? Pour honorer, pour exalter ironiquement le Dieu même de la Nature, un vieux « Pan », une ruine couverte de mousse mais qui garde encore son rictus énigmatique ! Evocation toute pittoresque au point de vue expressif, harmonie très captivante, (…) c’est exquis d’aspect et très spirituellement significatif » (A.E. Guyon-Verax, Journal des Artistes, 03/08/1903)

Cette oeuvre marque alors pour l’artiste sa reconnaissance en tant que peintre florale de premier plan; Mathilde Delattre sera ensuite médaillée au Salon des Artistes Français en 1905 et, dans son propre atelier, formera dès lors de très nombreuses élèves.

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