
Crespin 1913, aquarelle, 30 cm x 40 cm, collection particulière
L’artiste a peut être créé ici une représentation florale du chemin traversant le bois au lieudit « La Folie », derrière la propriété de ses oncle et tante Henri Alexandre Delattre et Anna Bar à Crespin (Hauts de France), et dont elle avait réalisé les portraits en 1897. On retrouve ici le rendu « impressionniste » de certains paysages de son maître Henry-Eugène Delacroix (1845-1930); le thème du chemin de terre, sans figuration d’aucun personnage l’empruntant, mais se dirigeant vers un au-delà du sujet évanescent, est repris dans plusieurs oeuvres de l’artiste. Don de l’auteur à sa famille, Roubaix, vers 1930.
Analyse
Au début du XXᵉ siècle, cette vision de la nature comme refuge esthétique et espace intérieur est très répandue dans les cercles artistiques de sensibilité naturaliste. Le jardin est ici représenté comme un espace intime et apaisant, lieu de promenade et de rêverie. Le sentier, brun-rougeâtre, guide le regard vers la lumière tamisée du fond de la composition, créant une perspective douce et invitante, tandis que la végétation foisonnante encadre la scène, presque comme une voûte, asymétrique mais structurée.
Pour décrire ce refuge esthétique et émotionnel, Mathilde Delattre privilégie la suggestion et l’effet d’ensemble à la précision descriptive, botanique. Elle cherche à saisir une atmosphère plus qu’un détail, dans une proximité avec le post-impressionnisme floral. Le traitement de la couleur est très libre et léger; des superpositions créent des effets de transparence et de vibration. La palette alterne nuances froides (bleu, violet, vert) et rehauts chauds (rose, rouge, orangé), créant une harmonie sereine, poétique, presque onirique. Le flou relatif restitue les vibrations de la lumière et la fragilité des fleurs, quand la délicatesse de l’exécution impose une impression de calme, de méditation devant la nature.