Boules de neige en bouquet et jetée de roses

Boules de neige en bouquet et jetée de roses, aquarelle, 160 x 90 cm, collection particulière

Titre attribué. Don de l’auteur à sa famille, Roubaix, vers 1930.

Il s’agit probablement en haut de boules de neige (Viburnum opulus), représentées en grappes légères, presque cotonneuses, et arrangées en en fier bouquet. La composition les juxtapose à un premier plan de roses plus lourdes et denses, débordant en cascade d’une hotte, et qui, dans un long mouvement, gagnent individuellement le sol où elles fanent. Le tableau recèle ainsi un jeu d’équilibre vertical/horizontal : les boules s’élèvent, presque vaporeuses, tandis que les roses s’étalent vers le bas, ancrant la scène dans la matérialité. Le panier tressé renforce l’idée de nature cueillie, domestiquée mais encore fraîche et vivante. La rose évoque la beauté fragile et passagère, tandis que la boule de neige  renvoie à l’abondance, par ses formes sphériques pleines. L’ œuvre s’inscrit dans l’héritage flamand de la composition florale abondante, par sa palette douce dans la vogue du romantisme floral du XIXe siècle, et l’usage de tons clairs et diffus, atmosphériques, évoque une approche impressionniste transposée à l’aquarelle.

Malgré l’affadissement des tons dûs à l’exposition prolongée de l’aquarelle, il apparait que l’artiste a utilisé une palette dominante de blancs nacrés et de tons pastel, roses très pâles, verts grisés, beiges doux. Les ombres et les feuilles sont traitées en tons atténués de violet et brun, ce qui donne une atmosphère feutrée et délicate. La lumière est diffuse, presque poudrée, ce qui confère à l’ensemble une impression de fragilité éphémère. Le lavis, le jeu des réserves et le fondu propres à l’aquarelle participent à cette impression de rêve et de légèreté.

L’ensemble forme, dans un contraste subtil entre plénitude et fragilité, une méditation visuelle sur l’éphémère : abondance de vie et imminence de la fanaison. Ce thème de la vanité florale discrète, sans crâne ou sablier, beauté de la nature, éblouissante, mais vouée à s’éteindre, est central dans l’œuvre de Mathilde Delattre. L’artiste, « reléguée » dans sa reconnaissance à l’aquarelle – alors que la monumentalité des huiles reste encore souvent un domaine « réservé » aux hommes – évolue dans ce médium de l’intime, de la sensibilité et de la délicatesse. L’œuvre témoigne d’une volonté de fusionner l’étude florale et la poésie picturale : ni simple nature morte, ni simple étude scientifique, mais un objet décoratif raffiné qui invite à la contemplation.


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